Après dix huit années de tournées, de rencontres, de compositions, de travail de réécriture et de réappropriation du répertoire yiddish et tzigane, l'heure était aux souvenirs ! Le hasard a voulu qu'Eric et Olivier Slabiak, retrouvent, peu de temps avant l'écriture de ce dernier album, des archives sonores sur lesquelles leur oncle Léo et leur grand-mère Esther jouent et chantent des chansons yiddish. Mémé Esther : A Paris, au début des années soixante, il n'était pas rare d'entendre s'échapper de l'arrière-boutique de la boulangerie d'Esther des accords de guitare. En plein quartier du Marais, les fils d'Esther invitaient leurs amis musiciens manouches à jouer autour du pétrin. Les quatre fils d'Esther aussi jouaient de la musique : Léo surtout, le violoniste ; et puis Charlie à la contrebasse, Fernand à la guitare, Adrien au piano. Esther était là, elle écoutait, chantait, riait, applaudissait ses grands enfants qui mêlaient leurs notes à celles de Joseph Reinhardt, Emmanuel Soudieu, Eugène Vees. Toute cette joyeuse bande issue du Hot Club de France. Accords judéo-tziganes. Quelques années plus tard, une nouvelle génération allait prendre le relais. Les petits fils d'Esther Slabiak choisissaient le violon, pour la plus grande joie de leur grand-mère : Eric et Olivier, les fils d'Adrien, les neveux de Léo. Ils allaient en faire leur métier. Eric et Olivier Slabiak n'ont pas connu la boulangerie de la rue Ferdinand Duval, mais ils ont entendu leur grand-mère chanter ; Mémé Esther a assisté à leurs premiers cours de violon. Elle n'aura pas eu le temps de connaître la belle aventure des Yeux Noirs, le groupe que ses petit-fils ont fondé en 1992. Un demi-siècle après les concerts improvisés dans la boulangerie, les musiques tziganes et yiddish des Yeux Noirs font le tour du monde. Léo Slab, disparu il y a deux ans, a offert son violon à ses neveux. L'aventure continue. Le violon de Léo est de toutes les tournées, de tous les enregistrements. Pour leur huitième album, Eric et Olivier Slabiak ont voulu se souvenir du regard, du sourire et de la voix de Mémé Esther. Ces voix, qui résonnaient en eux depuis l'enfance et qui avaient nourri leurs inspirations et leurs vocations de musiciens, ils les entendaient à nouveau. Comme un hommage, l'album s'ouvre ainsi et se referme sur ce passé qui reprend vie à leurs côtés : Lomir zikh iberetn (réconcilions-nous), A brivele di mame (écris-moi vite mon fils) . Composé de mémoires yiddish et tziganes mêlées à des sonorités actuelles, « TigÄaneasca » est marqué par l'arrivée de nouveaux musiciens. La formation originelle des Yeux Noirs menée par les violons et chants d'Eric et Olivier Slabiak, la guitare swing et le chant de Frank Anastasio, le cymbalum tzigane roumain de Marian Miù et la batterie d'Aidje Tafial, s'est étoffée avec les guitares basses de Julien Herné et d'Elise Blanchard (Mathieu Chedid), l'accordéon serbe de Dario Ivkovic et l'accordéon jazz de Vincent Peirani (Daniel Humair, Michel Portal et Laurent Korcia), sans oublier la participation exceptionnelle pour cet album du clarinettiste klezmer Yuri Schraibman, du guitariste Tomas Gubitsch (Astor Piazzola), du percussionniste Thomas Ostrowiecki. Et une touche électronique avec le remix de Smadj. Pour capter la spontanéité, la joie contagieuse de cette musique, Zig-Zag Territoires a choisi d'enregistrer dans l'acoustique naturelle d'une église luthérienne parisienne. Autour du monde. Dès la sortie de leur premier album en septembre 1992, Les Yeux Noirs se produisent pour de longues séries de concerts à Paris au Sentier des Halles, puis au Théâtre Trévise et à l'Européen. Leur formation instrumentale est alors acoustique : deux violons, un violoncelle, un accordéon, une guitare et une contrebasse. En dehors de Paris, ils tournent beaucoup en France et dans le monde. Ils ont joué sur tous les continents et dans une quarantaine de pays. En 2001, entament leur carrière aux Etats-Unis où ils ont donneront plus de 250 concerts. Les Yeux Noirs sont régulièrement invités à se produire dans des festivals et des salles prestigieuses : Symphony Space de New York, Symphony Hall de Chicago, Hollywood Bowl et Royce Hall à Los Angeles, Kennedy Center de Washington, Spectrum de Montréal, Théâtre Royal de Bangkok, Opéra de Sydney, Teatro Franco Parenti de Milan, Olympia à Paris, WOMAD (festival dirigé par Peter Gabriel), Millénium de Budapest, Festival International de Buenos Aires, Festival d'été de Québec, Festival Interceltique de Lorient, Francofolies de La Rochelle, etc. Près de 1.200 concerts sur les cinq continents et sept albums enregistrés pour les maisons de disques Buda Musique, EMI Music, Sony Music, harmonia mundi et Zig Zag territoires.